Page:Villemain - Cours de littérature française, tome 1.djvu/30

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Je ne compare pas les deux puissances ; mais cette chanson, apprise et répétée par le peuple, était aussi une force morale ; elle vengeait de ses hypocrites persécuteurs l’infortuné comte de Toulouse ; elle accusait l’impitoyable Montfort ; elle attaquait des vices puissants et sanctifiés ; elle parlait à tous les gens d’esprit du temps. Et, on le sait, à toutes les époques, il y a des gens d’esprit ; seulement ils sont habillés autrement. On a dit que saint Thomas d’Aquin avait autant de génie que Platon ; à la bonne heure ; mais le costume est bien différent.

Dans les sirventes provençaux paraît donc, non-seulement une source de poésie nouvelle, mais un principe de raisonnement et de liberté qui s’oppose à ce qui était alors bien plus puissant que le fer, l’influence théologique et monacale. Il est singulier de voir la témérité avec laquelle, dans ces temps que notre imagination se figure si soumis, si respectueux, non-seulement les abus, mais quelquefois les choses saintes, sont tournées en dérision, et non pas seulement à force de naïveté, comme on le suppose mais quelquefois avec une malice profonde qui ferait honneur ou peur à des temps plus cultivés. Vous le concevez, Messieurs, le goût, encore plus que la prudence, m’avertira d’élaguer