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Page:Villemain - Cours de littérature française, tome 1.djvu/69

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une petite anecdote qui n’est piquante que pour un grammairien.

Dans un conte d’Apulée, imité du grec, et moitié ingénieux, moitié bizarre, le héros, qui a été transformé en âne, qui fait le métier d’âne, et qui, par parenthèse, raconte lui-même son histoire, allant avec un jardinier, son maître, est rencontré par un soldat romain, un légionnaire ; et ce soldat, avec la hauteur de la domination romaine, superbo atque arroganti vultu, dit au jardinier : Quorsum ducis vacuum asellum ? « Où conduis-tu cet âne qui n’est pas chargé ? » Le jardinier n’entend pas. Le soldat se fâche, frappe d’abord le pauvre jardinier, puis s’expliquant avec plus de clarté, iI lui dit Ubi ducis asinum illum ? Le soldat fait un solécisme ; et il est compris.

Une langue belle et savante, comme le latin, voulait marquer toutes les nuances de la pensée, et n’admettait pas le même adverbe dans deux situations dissemblables ? C’est ici la question ubi et la question quo tant de fois rebattues dans les grammaires qui ont tourmenté notre enfance. se traduit par quo, lorsqu’il y a mouvement, et par ubi lorsqu’il n’y en a pas. Tout cela embrouillait la cervelle des Germains, des Illyriens, des Celtes, conquis par les légions ro-