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Page:Villemain - Discours et mélanges littéraires.djvu/121

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que n’en montrait son illustre modèle. Le sujet, le mérite de cet ouvrage, et le suffrage tout-puissant de Bossuet engagèrent Louis XIV à confier à Fénelon le soin d’une mission nouvelle dans le Poitou. L’uniformité rigoureuse que Louis XIV voulait étendre sur toutes les consciences de son royaume, et la résistance qui naissait de l’oppression, obligeaient souvent le monarque à faire soutenir ses missionnaires par des soldats. Fénelon ne se borna point à rejeter absolument l’odieuse assistance des dragons ; il voulut choisir lui-même les collègues ecclésiastiques qui partageraient un ministère de persuasion et de douceur. Il convertit sans persécuter, et fit aimer la croyance, dont il était l’apôtre.

L’importance que l’on attachait à de semblables missions attira, plus que jamais, les regards sur Fénelon, qui s’en était heureusement acquitté. Un grand objet était offert à l’ambition et au talent. Le duc de Bourgogne, petit-fils de Louis XIV, sortait de la première enfance ; et le roi cherchait en quelles mains il confierait ce précieux dépôt[1]. La vertu, aidée de la faveur de Mme de Maintenon, obtint la préférence. M. de Beauvilliers fut nommé gouverneur ; et il choisit et fit agréer au roi Fénelon, pour précepteur du jeune prince. Ces vertueux amis, secondés par les soins de quelques hommes dignes de les imiter, commencèrent la noble tâche d’élever un roi. L’histoire atteste que jamais on ne vit un concours plus parfait de volontés et d’efforts. Fénelon, par la supériorité naturelle de son génie, était l’âme de cette réunion. C’était lui qui, transporté par l’espérance de placer un jour la vertu sur le trône, et voyant le bonheur de la France dans l’éducation de son roi, détruisait avec un art admirable tous les germes dangereux que la nature et que le sentiment prématuré du pouvoir avaient

  1. 1689.