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Page:Villemain - Discours et mélanges littéraires.djvu/128

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croyons que cette précaution généreuse occupait encore Fénelon écrivant pour le bonheur des peuples, et qu’elle lui fit chercher cette conception poétique, ces mœurs primitives, ces sociétés antiques si éloignées du tableau de l’Europe moderne. Pourquoi, d’ailleurs, aurait-il voulu peindre Louis XIV sous les traits de l’imprudent Idoménée, ou du sacrilège Adraste, plutôt que sous l’image du sage et victorieux Sésostris ? Mais non ; ces diverses images sont les jeux d’une imagination qui cherche à multiplier d’intéressants contrastes : aucune, en particulier, n’est le portrait satirique du grand roi, dont le règne a formé la plus belle époque morale de l’Europe moderne. Fénelon apprit bientôt l’ineffaçable impression que le Télémaque avait faite dans le cœur du roi ; il parut se résigner à son éloignement de la cour, qu’il eut quelquefois la faiblesse d’appeler sa disgrâce, comme si le séjour prolongé d’un archevêque au milieu du troupeau qu’il éclaire et qu’il sanctifie, pouvait jamais rappeler une idée d’humiliation et de malheur. Au reste, si Fénelon se ressouvenait quelquefois avec amertume de la cour de Louis XIV, il dut se consoler par le bonheur qu’il répandait autour de lui, dans sa retraite de Cambrai. La sainteté des anciens évêques, la sévérité de la primitive Église, la douceur de la plus indulgente vertu, le charme de la plus séduisante politesse, l’empressement à remplir les devoirs les plus humbles du saint ministère, une infatigable bonté, une inépuisable charité, voilà sous quels traits Fénelon est dépeint par un éloquent et vertueux évêque, qui avait le droit de s’arrêter longtemps sur cette image. Le premier soin de Fénelon était d’instruire les clercs d’un séminaire qu’il avait fondé. Il ne dédaignait pas même de faire le catéchisme aux enfants de son diocèse. Comme les évoques des anciens jours, il montait souvent dans la chaire de son église, et, se livrant à son cœur et à sa foi, il parlait sans prépara-