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Page:Villemain - Discours et mélanges littéraires.djvu/163

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tant à force de croyance. Quand on lit que Pascal en était venu à porter sous ses vêtements un symbole formé de paroles mystiques, une espèce d’amulette, on sent que cette puissante intelligence avait reculé jusqu’à ces pratiques superstitieuses, pour fuir de plus loin une effrayante incertitude. C’était là sa terreur. Le précipice imaginaire que, depuis un accident funeste, les sens affaiblis de Pascal croyaient voir s’entr’ouvrir sous ses pas, n’était qu’une faible image de cet abîme du doute qui épouvantait intérieurement son âme.

Ainsi donc se partagea la vie trop courte de ce grand homme. D’abord il chercha à émanciper la raison humaine, il réclama l’indépendance de la pensée et l’autorité de la conscience ; ensuite il se consuma d’efforts pour élever des digues et des barrières contre l’invasion illimitée du scepticisme. Cet esprit puissant et inflexible embrasse d’une conviction profonde, comme une sauvegarde, les dogmes du christianisme, et leur donne, par sa soumission, le plus grand peut-être des témoignages humains. Mais si la conviction est entière, la démonstration est imparfaite, les preuves ne sont pas réunies, le raisonnement n’est pas achevé ; et il reste quelques indices de la lutte qu’avait subie Pascal et quelques marques extraordinaires de sa force, plutôt qu’un monument complet de sa victoire. Quoi qu’il en soit, ces débris sont là pour étonner le pyrrhonisme frivole, pour le mettre en doute de lui-même, et faire longtemps méditer les savants et les sages.

On a dit que Pascal ne parlait pas au cœur ; que sa religion avait l’air d’un joug qu’il impose, plutôt que d’une consolation qu’il promet. Vincent de Paul et Fénelon auraient obtenu sans doute plus de conversions que Pascal. On ne sent pas en lui cette tendresse d’âme, cette affection pour l’humanité qui respire dans l’Évangile, et qui fit la