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Page:Villemain - Discours et mélanges littéraires.djvu/82

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naître et les discuter, choisir et recommander celles qui honorent le plus l’espèce humaine, voilà le travail qui doit occuper un sage, et qui peut épuiser toute la profondeur du plus vaste génie. Alors la connaissance des lois, appuyée sur l’histoire et sur la politique, s’éloigne également de la science du jurisconsulte et des rêves de l’homme de bien. Les pensées qu’elle fournit à un digne interprète entrent insensiblement dans le trésor des idées humaines ; et, en modifiant l’esprit d’un peuple, elles produisent de nouveaux rapports qui dans l’avenir produiront des lois, et changeront en nécessités morales les espérances et les projets d’un génie bienfaisant.

Cependant, quel spectacle présente cette revue de l’univers ! C’est à la fois l’histoire et la morale de la société. Ce sont toutes les nations mortes et vivantes qui passent tour à tour, et donnent le secret de leurs destinées, en montrant les lois qui les faisaient vivre ou les animent encore[1] ; et, de même que la sagesse antique croyait avoir deviné les ressorts du monde matériel, en reconnaissant une céleste intelligence partout répandue, partout communiquée, partout agissante, ainsi le monde moral se trouve expliqué tout entier par l’action de la loi, providence des sociétés. Interprète et admirateur de l’instinct social, Montesquieu n’a pas craint d’avouer que l’état de guerre commence pour l’homme avec l’état de société. Mais cette vérité désolante, de laquelle Hobbes avait abusé pour vanter le calme du despotisme, et Rousseau pour célébrer l’indépendance de la vie sauvage, le véritable philosophe en fait naître la nécessité salutaire des lois, qui sont un armistice entre les États, et un traité de paix perpétuel pour les citoyens.

La première loi sera l’existence d’un gouvernement.

  1. Voir à la fin de l’Éloge, note E.