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Page:Villemain - Discours et mélanges littéraires.djvu/97

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noble et ravissant plaisir qu’elles donnent à la pensée, on doit avouer qu’elles ont rendu plus intéressant et plus populaire le livre qui renferme tant de sérieuses vérités. Il faut reconnaître partout le pouvoir de l’éloquence. Vainement l’interprète des lois a-t-il montré que les hommes ne doivent pas se charger des offenses de Dieu, de peur que, devenant cruels par pitié, ils ne soient tentés d’ordonner des supplices infinis, comme celui qu’ils prétendent venger. Quelle que soit la sublimité du raisonnement, l’âme n’est pas entraînée, et la superstition peut lutter encore mais lorsque auprès du bûcher de la jeune Israélite, une voix s’élève, et, s’adressant aux persécuteurs, leur dit avec une naïveté pleine de force : « Vous voulez que nous soyons chrétiens, et vous ne voulez pas l’être ; si vous ne voulez pas être chrétiens, soyez au moins des hommes. » Lorsque cette voix éloquente unit le raisonnement au pathétique, et le sublime à la simplicité, on reste frappé de conviction et de douleur, et l’on sent que jamais plus beau plaidoyer ne fut prononcé en faveur de l’humanité. Montesquieu a compris qu’il avait besoin de reposer les yeux qui suivaient la hauteur et l’immensité de son vol dans les régions d’une politique abstraite. Les points d’appui qu’il présente à son lecteur, c’est Alexandre ou Charlemagne, A ces grands noms, à ces grands sujets, il redevient un moment sublime pour ranimer l’attention épuisée par tant de recherches savantes et de pensées profondes ; puis il reprend le style impartial et sévère des lois. Aucun ouvrage ne présente une plus admirable variété ; aucun ouvrage n’est plus rempli, plus animé de cette éloquence intérieure, qui ne se révèle point par l’apprêt des mouvements et des figures, mais qui donne aux pensées la vie et l’immortalité. Le seul reproche qu’on puisse faire à l’auteur, c’est d’avoir quelquefois cherché des diversions trop ingénieuses, comme s’il eût douté de