Aller au contenu

Page:Villemain - Essais sur le génie de Pindare, 1859.djvu/108

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
100
ESSAIS SUR LE GÉNIE DE PINDARE

choses inouïes jusqu’alors. Ou disait aussi qu’il était allé consulter en Thesprotie un oracle des morts, dans l’espoir de se faire suivre par l’âme de son épouse Eurydice, et que, cet espoir déçu, il s’était tué.

On montrait sa tombe en Thrace ; et les habitants assuraient que les rossignols qui avaient eu leurs nids sur cette tombe chantaient avec plus de douceur. Dans la Macédoine, près du mont Olympe, s’élevait une colonne avec un cippe de marbre, qui avait reçu, disait-on, les restes d’Orphée, tué près de ce lieu par les femmes de Thrace. Un accident naturel servait de preuve à ces fables. Le fleuve Hélicon, après un cours de quelques lieues, s’abîme et semble se perdre sous terre pendant vingt-deux stades, pour renaître sous un autre nom qu’il porte jusqu’à la mer : les habitants racontaient que cette disparition datait du jour où, devant les meurtrières du poëte, qui voulaient laver le sang dont elles étaient souillées, le fleuve s’était enfui d’horreur pour ne pas servir à purifier le crime.

Il y avait encore en Macédoine d’autres légendes d’Orphée. Un pâtre, endormi sur sa tombe, s’était mis à chanter dans le sommeil ; et les bergers accourus pour l’entendre, ayant, de leur foule tumultueuse, renversé la colonne qui portait l’urne funèbre, le soleil avait vu les restes d’Orphée. La nuit suivante, un torrent débordé de l’Olympe engloutit la ville de Libèthre, sans doute pour n’avoir pas mieux protégé lees cendres du poëte, qui furent emportées alors dans