Aller au contenu

Page:Villemain - Essais sur le génie de Pindare, 1859.djvu/112

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
104
ESSAIS SUR LE GÉNIE DE PINDARE

ce ton moyen de la poésie, nul doute qu’elle n’eût souvent place dans les vers d’Alcman. Un des moins courts fragments qui nous en soient parvenus met sous nos yeux, à cet égard, ce qu’ont décrit d’autres poëtes célèbres, le silence d’une nuit d’été dans les beaux climats de Grèce et d’Italie. Virgile, imitant un poëte d’Alexandrie, mais avec une sensibilité tout originale, nous semblait lui devoir en partie ces vers d’un charme sans égal, où le repos de la nature est dépeint à côté du trouble de Didon :

Nox erat, et placidum carpebant fessa soporem
Corpora per terras ; silvæque et saeva quierant
Æquora, cum medio volvuntur sidera lapsu ;
Cum tacet omnis ager ; pecudes pictæque volucres,
Quæque lacus late liquidos, quæque aspera dumis
Rura tenent, somno positæ sub nocte silenti,
Lenibant curas et corda oblita laborum ;
At non infelix animi Phœnissa.

Voltaire lui-même, le moins lyrique des poëtes, était saisi d’admiration à ce contraste si prolongé du sommeil de tous les êtres avec l’agitation d’un cœur tourmenté.

Le poëte de Lacédémone, bien avant Apollonius, avait-il préparé une inspiration à Virgile et surtout pressenti l’opposition qui donne tant de pathétique à cette peinture ? Le sens interrompu des vers qui nous restent de lui ne permet de rien affirmer. Mais ce que ces vers décrivent nous frappe du moins par une vérité de couleur qu’atteste un voyageur érudit, plein des souvenirs du même lieu. C’est bien la nuit, sous le ciel