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Page:Villemain - Essais sur le génie de Pindare, 1859.djvu/117

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ET SUR LA POÉSIE LYRIQUE.

« Dieu de la mer, ô le plus grand des dieux, Neptune au trident d’or, toi qui de tes ondes embrasses la terre ! autour de toi, les monstres nageant et respirant dans les flots se forment en cercle, bondissant d’un saut léger, monstres à la crête terrible, chiens de mer à la course rapide, dauphins épris de la musique, nourrissons des déesses Néréides dont Amphitrite est la mère. C’est vous qui m’avez conduit vers la terre de Pélops, au rivage de Ténare, perdu que j’étais sur la mer de Sicile, et qui m’avez porté sur vos dos inclinés, fendant sur votre passage la plaine de Nérée, par un chemin que nulle trace ne sillonne ! Des hommes perfides du haut de la nef m’avaient jeté dans les flots soulevés du courant[1]. »

À part les désinences doriques affectées par l’original, ne sent-on pas ici, jusque dans la simplicité des tons, le calcul d’un art plus moderne, comme nous le sentons, pour le moyen âge, dans quelques ballades récentes en vieux langage de France, d’Espagne ou d’Angleterre ?

Laissons donc pour ce qu’elle vaut la citation d’Élien, et contentons-nous de croire, avec Hérodote et Plutarque, que le musicien Arion avait excellé sur le mode Orthien et le mode Pythien, les plus grandes puissances de l’antique mélodie, et que le jour où, charmant par ses accords les matelots âpres à sa dé-

  1. Poet. lyr. græc., ed. Bergk, p. 566.