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Page:Villemain - Essais sur le génie de Pindare, 1859.djvu/129

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ET SUR LA POÉSIE LYRIQUE.

vendre en Égypte les vins délicieux des îles grecques.

Dans ses voyages, le jeune Lesbien se serait épris de passion pour une fille de Thrace, Rhodope, alors esclave dans la colonie grecque de Naucratis, en Égypte. L’ayant achetée de son maître, il l’aurait follement épousée, malgré les éloquents et poétiques reproches dont Sapho avait flétri cette faiblesse, qu’elle se promettait sans doute alors de ne pas imiter.

Dans une telle vie cependant, toute aux arts, mais à des arts faits pour entretenir la passion, le seul intérêt touchant, la seule dignité qui pût ennoblir les transports d’une âme agitée sans cesse par la musique et la poésie, c’était la piété maternelle, la tendresse pour une fille, cette Cléis que le philosophe Maxime de Tyr avait nommée, et dont quelques vers retrouvés de Sapho nous parlent aujourd’hui : « J’ai, dit-elle, une belle jeune fille semblable, dans sa forme élégante, aux fleurs dorées, Cléis, ma chère Cléis. En échange d’elle, je ne voudrais pas de la Lydie, ni de l’aimable Ionie[1]. »

Quelle fut la destinée de cette jeune fille, gardée par une telle tendresse, mais née sous un tel exemple ?

  1. Ἔστι μοι κάλα πάϊς, χρυσίοισιν ἀνθέμοισιν
    ἐμφέρην ἔχοισα μόρφαν, Κλᾶϊς ἀγαπάτα,
    ἀντί τᾶς ἔγω οὐδὲ Λυδίαν πᾶσαν οὐδ’ ἐράνναν…

    Poet. lyr., ed. Bergk, p. 619.