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Page:Villemain - Essais sur le génie de Pindare, 1859.djvu/131

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ET SUR LA POÉSIE LYRIQUE.

Nous lisons chez un de ces doctes apologistes[1] : « Dans Sapho, une ardente et profonde sensibilité, une pureté virginale, la douceur de la femme et la délicatesse du sentiment et de l’émotion s’alliaient avec la probité native et la simplicité du caractère ionien ; et, quoique douée d’une exquise perfection des choses belles et brillantes, elle préférait la naïve et consciencieuse rectitude de l’âme à toute autre source de jouissance humaine. »

À la bonne heure ! Mais quelle preuve en avez-vous ? Il ne suffit pas pour cela de la sévérité de son dialogue avec Alcée, tel que le cite Aristote[2] : « Je veux », disait le hardi poëte, « te dire quelque chose ; mais la pudeur m’empêche. » Et Sapho de répondre : « Si tu avais le désir de choses nobles et belles, ni ta langue ne serait liée de peur de dire le mal, ni la pudeur ne retiendrait tes regards ; mais tu parlerais librement de ce qui est légitime. » Rien de mieux raisonné, sans doute ; mais tant d’autres témoignages nous la montrent différente !

On envie Horace d’avoir pu dire : « Ils vivent encore les feux confiés à la lyre de la jeune Éolienne : »

… Spirat adhuc amor,
Vivuntque commissi calores
Æoliæ fidibus puellæ,
[3]

  1. A Critic. hist. of the lang. and litter. of ancien Greece, t. III.
  2. Aristote, Rhetor., l. II, c. 9.
  3. Horat. Odar., lib. IV, 9.