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Page:Villemain - Essais sur le génie de Pindare, 1859.djvu/178

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ESSAIS SUR LE GÉNIE DE PINDARE

qu’aux sujets dont il s’occupe. C’est la magie du poëte de transformer ce qu’il touche ; c’est l’honneur de la pensée d’être plus précieuse que tout ce qu’elle décrit.

Horace nous l’a dit, non sans retour sur lui-même, on peut le croire :

Nec, si quid olim lusit Anacreon,
Delevit ætas.

La prédiction était juste, bien que, pour une grande part, démentie par l’événement. Il est resté quelques traits de flamme confiés à la lyre de la jeune Éolienne. Maintenant ils sont impérissables ; et, si nous n’avons pas l’Anacréon que lisait Horace, le nom du moins et quelque chose du poëte vivront toujours.

À la vue du petit recueil anacréontique, publié pour la première fois et traduit en vers latins par Henri Estienne, l’érudition d’abord avait eu quelques doutes. Était-ce là ce chantre célèbre des Muses et des Grâces chez le peuple le plus ingénieux de la terre, cet Athénien de l’île de Téos, attiré avec de si grands honneurs à la cour du tyran de Samos et de Pisistrate, usurpateur d’Athènes ? Ce style gracieux, mais inégal, ces mètres faciles et simples, nous rendent-ils la poésie hardie et savante de celui que les anciens avaient rangé parmi leurs grands lyriques ? Cicéron, il est vrai, nous dit que « la poésie d’Anacréon roulait toute sur l’amour. » Mais un docte et ingénieux Hellène, l’em-