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Page:Villemain - Essais sur le génie de Pindare, 1859.djvu/231

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ET SUR LA POÉSIE LYRIQUE.

cle, où se complaît Euripide, nous n’aurions pas épuisé tout le trésor des poëtes lyriques de la Grèce, si nous ne tombions à genoux devant le profanateur même de leur gloire, en plaçant à côté de leurs graves et touchantes mélodies quelques chansons d’Aristophane.

Eschyle était pour la Grèce l’image de cette poésie patriotique et guerrière, célébrant Salamine victorieuse, comme, un siècle auparavant, elle en avait décidé la conquête au profit d’Athènes. Sophocle fut un autre Eschyle, non plus un soldat de Platée ou de Salamine, mais un général, un commandant de flotte, descendant de ses honneurs militaires, non pour siéger au rang des juges qui décernaient la couronne dramatique, mais pour la remporter lui-même. Il n’y eut que la Grèce pour offrir au génie cette éducation de la gloire assaillant les âmes, et ce spectacle du beau qui partout les environne.

Né vingt-huit ans après Eschyle, Sophocle cependant avait vu les mêmes grandeurs. Si, trop jeune, il n’avait pas combattu à Salamine, il avait paru dans le chœur d’adolescents qui chanta l’hymne de cette grande journée sur la place publique d’Athènes. Quatorze ans plus tard, et déjà célèbre par ses services de guerre et la faveur du peuple, il remportait, aux grandes Panathénées, la palme sur Eschyle ; et ce triomphe commençait une carrière de chefs-d’œuvre dramatiques soutenue jusqu’à l’extrême vieillesse.

Sous un tel maître, la scène tragique devait rester