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Page:Villemain - Essais sur le génie de Pindare, 1859.djvu/257

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ET SUR LA POÉSIE LYRIQUE.

poëtes du même âge : mais il ne leur faisait pas naître de rivaux. Il enviait Homère à Achille ; mais il était obligé de se contenter pour lui-même des vers de Chérile. Il lui était plus aisé de se faire dieu que de susciter un grand poëte ; et, quand il voulut des hymnes pour son apothéose, il n’obtint que les vers emphatiques du sophiste Anaxarque.

Lorsque, dans les fêtes de ses triomphes, au retour d’Égypte et de Phénicie, il fit célébrer de grandes représentations avec des chœurs de musique, ce n’était pas l’invention, mais le spectacle qui était l’objet des prix. La palme n’était disputée qu’entre les acteurs. Les arts du dessin, que la domination d’un maître gêne moins, semblaient mieux garder leur génie ; et Alexandre était plus heureux à trouver des peintres, ou des statuaires que des poëtes dignes de lui. Il semble, cependant, par un souvenir de son règne, que là même, l’ostentation orgueilleuse de la puissance, et ce je ne sais quoi d’asiatique et de barbare qu’Alexandre recevait du contact de ses ennemis vaincus, venaient altérer, dans les arts qui touchent à l’expression matérielle de la grandeur, la sublime pureté du génie grec. Ce mont Athos[1], que l’architecte favori du roi devait tailler en statue colossale, avec une ville dans la paume d’une main, et un fleuve s’épanchant de l’autre main, rappelle la gigantesque monstruosité

  1. Vitruv. lib. ii in præf.