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Page:Villemain - Essais sur le génie de Pindare, 1859.djvu/273

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ET SUR LA POÉSIE LYRIQUE.

des digressions triomphales de Pindare sur la Sicile et la Grèce délivrées, et enfin des vers de Virgile et d’Horace célébrant la durée des grandeurs romaines, comment ne pas reconnaître quelle place les arts d’imagination avaient dans l’antiquité, et quelle puissance ils ont exercée sur ses destinées ?

Que l’esprit ne craigne donc pas de se plaire et de s’arrêter à ces charmantes études, qui renferment une si grande part de l’histoire des peuples ! Lors même qu’elles ne s’élèvent qu’au milieu des naufrages de la société, elles sont le phare qui l’éclaire. Mais, en même temps, la domination des Ptolémées, cette longue orgie de voluptés oiseuses, de fêtes et de crimes, ne semble avoir été tolérée que pour montrer combien la science et le goût des belles études, la magnificence qui les protége et la paix qui les assure, sont impuissants à rien faire de grand, s’il n’existe un principe de vertu, de justice, de liberté, dans le souverain et dans le peuple.

Ce que les trois Ptolémées, Ptolémée Lagus, le lieutenant et l’historien d’Alexandre, Ptolémée Philadelphe, et Ptolémée le Bienfaisant, firent pour l’encouragement des lettres étonnerait même notre politesse moderne. Jamais il ne fut préparé à l’étude plus vaste enceinte et plus riche mobilier que le Muséum et la Bibliothèque d’Alexandrie : et, à cet effort si constant, à cette protection si empressée, on ne peut pas dire même que le génie ait fait entièrement défaut. Bien des