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Page:Villemain - Essais sur le génie de Pindare, 1859.djvu/289

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ET SUR LA POÉSIE LYRIQUE.

grand Roi. Je ne le vois pas, car un nuage s’est arrêté alentour, et tous les mortels n’ont dans leurs yeux que des prunelles mortelles, et ils n’ont pas la force de regarder le Dieu souverain de tous. Car lui-même, au sommet d’airain des cieux, est inébranlablement fondé sur un trône d’or ; et de ses pieds il marche sur la terre, et il étend sa main droite jusqu’aux bornes de l’Océan. Alentour tremblent les grandes montagnes, et les fleuves, et la profondeur de la mer blanchissante et bleuâtre. »

Dans l’élévation incontestable de ce fragment, avec une imitation générale, un reflet des grandes images de la Bible hébraïque, ne sent-on pas comme une exagération volontaire et calculée de ce sublime modèle ? N’y a-t-il pas ici, sons quelques rapports, un artifice, un effort de grandeur, symptôme des œuvres faussement archaïques, et qui rappelle Ossian comparé à Homère ? Cela paraît encore plus dans une seconde variante de la même œuvre autrement interpolée. Après les premiers vers fidèlement reproduits :

« Gravis heureusement, dit ce nouveau texte[1], par une voie détournée, et contemple face à face l’unique Fabricateur du monde, l’Immortel. Une antique tradition l’environne de sa lumière ; il est un, fait par lui-même, et toutes choses sont faites par lui ; et lui-même est répandu dans elles, et nulle des

  1. Orph. Hym, p. 133.