Aller au contenu

Page:Villemain - Essais sur le génie de Pindare, 1859.djvu/32

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
24
ESSAIS SUR LE GÉNIE DE PINDARE

Une telle foi, un tel amour devaient inspirer d’autres images que les souvenirs de la fable, un autre sublime que celui d’Homère. Ainsi, dans un débris de ses hymnes, nommant Apollon, Pindare dit encore : « D’un pas, il a franchi la terre et les mers ; et, sur les hauts sommets des monts, il s’est arrêté ; et il a ébranlé les abîmes, en jetant les fondements de ses bois sacrés[1]. » N’y a-t-il pas là, dans l’idolâtrie même, comme l’accent d’une loi nouvelle et plus douce ? Mais c’est surtout par la croyance à l’âme immortelle et à l’avenir des méchants et des justes, que ce caractère du poëte se montre, soit dans les trop rares fragments de ses cantiques perdus, soit même dans les odes consacrées aux jeux, athlétiques, où il ramène un sentiment, dont son cœur surabonde.

Il n’offre pas seulement ces descriptions terrestres d’une autre vie, communes à la poésie grecque, ces plaisirs de l’Élysée semblables aux chasses, que se figure le sauvage dans le séjour des âmes. Sa pensée poétique est empreinte d’une gravité sainte, qui annonce presque cette foi pieuse que l’apôtre a définie « la réalité des choses qu’on espère et l’évidence des choses qu’on ne voit pas. » « Tous, » disait-il dans un hymne, dont le reste a péri, « arrivent par une fatalité heureuse à l’issue qui termine les maux. Le corps, chez tous, suit la loi de la mort irrésistible ; mais il reste de

  1. Pind., ed. Boiss., Fragm., p. 283.