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Page:Villemain - Essais sur le génie de Pindare, 1859.djvu/335

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ET SUR LA POÉSIE LYRIQUE.

ses vers par cette singulière explication qu’il donne de l’ivresse de ses convives :

« Comme si, dit-il[1], dans la mort, la plus grande peine pour eux devait être une soif ardente qui les brûle et les dévore, ou quelque autre besoin qui les obsède. »

Ô grand poëte, qu’êtes-vous devenu ? sur quel néant fondez-vous votre orgueil ? À quoi réduisez-vous vos imaginations et notre espérance ? Vous n’avez plus d’autre argument que de multiplier les ruines, en preuve de la destruction universelle qui nous attend, d’autre consolation que de nommer tour à tour les rois, les grands hommes, les poëtes, les sages, dont la mort a précédé celle que vous déclarez pour chacun de nous aussi absolue qu’elle est inévitable ; vous dites éloquemment :

« Scipion, ce foudre de guerre, la terreur de Carthage, a laissé ses ossements à la terre comme le plus infime esclave. Ajoutez encore les inventeurs de la science et des grâces ; ajoutez les amis des Muses, entre lesquels Homère, unique souverain, est endormi du même sommeil que les autres. Enfin Démocrite, lorsque le déclin de l’âge l’avertit que son esprit commençait à languir, vint par un choix volontaire se livrer à la mort. Épicure lui-même est mort, au terme de la carrière, lui qui par le génie

  1. Lucret., ib., v. 930.