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Page:Villemain - Essais sur le génie de Pindare, 1859.djvu/349

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ET SUR LA POÉSIE LYRIQUE.

« Ainsi prophétisant, jadis les Parques avaient chanté l’heureux hymne du destin de Pélée. Car, dans les chastes maisons des hommes, les dieux alors avaient pour usage de descendre et de se montrer aux yeux mortels, la piété n’ayant pas encore cessé d’être en honneur. Souvent le père des dieux, dans la splendeur du temple, visitant les saints mystères dont les fêtes étaient venues, assista sur la terre à la course des chars. Souvent le dieu du vin, errant au sommet du Parnasse, excita lui-même les bacchantes aux longs cheveux épars, alors que les Delphiens, élancés hors des murs de leur ville, accueillaient le dieu par l’encens de leurs autels. Souvent, aux luttes sanglantes de la guerre, Mars, ou Pallas, ou la vierge Némésis anima de sa présence les bataillons armés. Mais, depuis que la terre s’est imprégnée de meurtres criminels, et que les hommes ont chassé la justice de leurs âmes avides, des frères ont souillé leurs mains du sang de leurs frères. Le fils a cessé de pleurer la mort de ses parents ; le père a souhaité le trépas d’un fils premier-né, pour jouir sans contrainte des attraits d’une jeune marâtre. La mère sacrilége, se prostituant à son fils trompé, n’a pas craint de rendre complices de son crime les dieux domestiques. Dès lors, le bien, le mal, confondus par un malfaisant délire, ont repoussé loin de nous l’attention tutélaire des dieux. Ils ne daignent plus visiter de telles réunions d’hommes, et