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Page:Villemain - Essais sur le génie de Pindare, 1859.djvu/360

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ESSAIS SUR LE GÉNIE DE PINDARE

milles ils trouveraient aisément de quoi gratifier le peuple et l’armée. Octave lui-même en avait donné l’exemple. Avec les triumvirs, il avait proscrit pour confisquer, et confisqué pour donner. Mais, quand il se vit seul maître survivant, sans complice ni rival, il cessa des violences dont il eût porté seul le blâme ; et ses cruautés anciennes s’oublièrent, sous l’allégement du joug et l’abaissement continu des âmes.

L’extinction du sentiment moral dans la foule, la peur et l’égoïsme, voilà le secret de l’apothéose d’Octave par la voix de Virgile et d’Horace et jusqu’au milieu de l’exil d’Ovide. Mais la faiblesse d’âme n’élève pas le génie. Ne cherchez pas l’enthousiasme lyrique dans les hymnes dont Auguste est le dieu.

C’est assez d’avoir pu rallier à ce nom, par un art délicat et charmant, les images de la poésie grecque et jusqu’au souvenir de l’antique vertu romaine. Le lyrique romain n’a pas la candeur de Pindare, quoi qu’il en ait parfois la majesté. Vous n’avez pas oublié le poëte de Thèbes préludant pour le roi de Syracuse : « Hymnes qui régnez sur la lyre, quel dieu ou quel héros allons-nous célébrer ? » Le reste est du même ton. La flatterie s’efface dans la gravité religieuse du témoignage. Il n’en est pas ainsi du poëte romain. Il semble presque se jouer de tout ce qu’il invoque :

« Quel homme, ou quel héros, ou quel dieu choisis-