Aller au contenu

Page:Villemain - Essais sur le génie de Pindare, 1859.djvu/366

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
358
ESSAIS SUR LE GÉNIE DE PINDARE

allongeait l’ombre des montagnes, et ôtait le joug aux bœufs fatigués, en amenant, avec son char qui se retire, le temps du repos.

Quelles ruines ne fait pas le temps destructeur ! Le siècle de nos pères, pire que nos aïeux, nous a produits plus méchants encore, pour donner une descendance plus vicieuse que nous[1]. »

Quelle que fût la bonne intention d’Horace pour la gloire d’Auguste, peut-on, dans le tour original même de cette ode, ne pas apercevoir ce qui manquait à cette gloire ? Le début est noble et grave, comme une strophe du poëte thébain ; mais bientôt le spectacle vrai du temps va démentir l’illusion ou l’effort du poëte. Il peindra de vives couleurs la corruption romaine ; et, singulier hasard ! ce petit tableau d’impudence conjugale qu’il trace en quelques vers, cette femme qui se lève de table, à l’ordre du riche et du puissant, non sans la connivence du mari, rappellera trait pour trait une anecdote de la vie d’Auguste[2], du pieux réformateur qu’Horace avait entrepris de célébrer.

La vraie beauté de cette ode, c’est même, dans la bouche du chantre épicurien de l’empire, le retour aux grands souvenirs de la liberté romaine, à cette

  1. Horat. l. III, od. 6.
  2. Marcus Antonius, super festinatas Liviæ nuptias, objecit, feminam consularem è triclinio, viro coram, in cubiculum abductam, rursùs in convivium, rubentibus auriculis, incomptiore capillo, fuisse reductam. Suet. in Octav. c. 69.