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Page:Villemain - Essais sur le génie de Pindare, 1859.djvu/37

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ET SUR LA POÉSIE LYRIQUE.

La gloire même des temps où il vécut, cette gloire si réelle et si célébrée de Platée, de Mycale, de Salamine, cet amour d’une liberté si bien défendue contre les barbares d’Asie, et dont le triomphe, enlevé surtout par le courage des matelots d’Athènes, accroissait si puissamment l’orgueil démocratique, le laissa fidèle à sa préférence pour des Institutions plus paisibles.

Sans doute il célébra dans ses vers l’illustre Athènes, le rempart de la Grèce (eh ! quel poëte, quelle âme généreuse aurait pu s’en taire ?) ; il la célébra jusqu’à mériter la jalouse colère des siens, qui lui infligèrent une amende de dix mille drachmes, que les Athéniens lui restituèrent au double, avec une statue dans Athènes, sur cette place publique qu’il avait nommée quelque part industrieuse et glorieuse, pour désigner sans doute ses monuments et sa tribune. Mais, son cœur resta dorien et monarchique, si cet anachronisme de langage est permis. Il aime Lacédémone, d’où sa famille était issue ; il aime cette ville où règnent, dit-il, « la sagesse des vieillards et les lances des jeunes hommes, et les chœurs harmonieux, et la muse et la douce allégresse[1]. »

Revient-il vers Athènes, qui brillait par-dessus toute la Grèce, et dont Eschyle alors doublait la gloire, en mettant sur la scène cette gloire toute sanglante encore,

  1. Pind., ed. Boiss., Fragm., p. 305.