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Page:Villemain - Essais sur le génie de Pindare, 1859.djvu/375

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ET SUR LA POÉSIE LYRIQUE.

dans le texte conservé : une première œuvre antique, pure, délicate, n’offrant que la fleur du sujet, vingt-deux vers en tout ; puis une refonte, une paraphrase, formant le reste du poëme et pouvant s’en détacher. Il faut avoir l’oreille et la main bien sûres, pour faire ainsi les parts dans un monument antique. Nous ne l’essayerons pas, tout en supposant volontiers le poëme altéré et interpolé, précisément parce qu’il était populaire et plus d’usage que le Carmen sæculare d’Horace.

Que le fond du poëme soit de date ancienne, comment pourrait-on en douter, après la magnifique invocation de Lucrèce à Vénus, mère des fils d’Énée, mère du peuple de Mars, et en songeant à ce temple qui lui était consacré dans Rome au-dessus de l’amphithéâtre, à cette statue de Vénus armée, à cet attribut si étranger au dogme mythologique des Grecs, et qui, pour ainsi dire, la personnifiait romaine ?

Il serait bien peu vraisemblable que, dès le temps où ces images étaient incessamment sous les yeux des Romains, la fête de Vénus, placée par la tradition à une des époques les plus riantes de l’année, à la saison des belles nuits et des aurores matinales, n’ait pas été embellie du charme des vers, ou même qu’on n’ait eu, pour célébrer ces gracieux souvenirs, que quelque vieux débris du rituel païen.

L’influence si naturelle des mœurs sur le culte de-