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Page:Villemain - Essais sur le génie de Pindare, 1859.djvu/381

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ET SUR LA POÉSIE LYRIQUE.

l’oppression de l’empire. Le chœur est une voix gémissante qui témoigne du danger des grandeurs, du besoin de l’obscurité, sous la tyrannie. De là, quelques paroles d’une tristesse vraiment poétique, dans la tragédie de Thyeste :

« Est roi celui qui ne craint pas, est roi celui qui ne forme pas de désir. Cette royauté, on se la donne à soi-même. Monte qui voudra sur le faîte, sur le sommet glissant de la cour ! Moi, que je me rassasie de repos ! que, sous un humble abri, je jouisse de la paix ! que ma vie s’écoule en silence ignorée des citoyens ! Et lorsque ainsi mes jours auront passé sans bruit, que je meure vieillard plébéien ! Le poids de la mort est lourd à celui qui, trop connu de tous, meurt sans se connaître lui-même. »

Rien de moins fécond et de plus monotone que cette passion du repos et de l’oubli sur la terre, quand elle ne se tourne pas en aspiration vers le ciel. Là où seule elle domine, l’enthousiasme de l’art s’éteint, comme celui de la vertu. Ainsi mourait le génie romain, glacé par la terreur et avili par la servitude. Il n’est pas sans intérêt cependant de le voir jeter encore quelque éclat poétique, quand il se reprend aux grands souvenirs qui avaient autrefois fait battre de nobles cœurs.

Le poëte qui eut le malheur d’être accueilli par Domitien, et dont les vers, dans leur énergie monstrueuse, ont emprunté quelque chose à la folie du