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Page:Villemain - Essais sur le génie de Pindare, 1859.djvu/383

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ET SUR LA POÉSIE LYRIQUE.

d’avoir donné Sénèque au monde, ou d’être mère de l’aimable Gallion. Que le fleuve Bétis élève jusqu’aux cieux ses ondes plus illustres que celles du Mélès ! Et toi, Mantoue, ne prétends pas être sa rivale. À peine était-il né, et, rampant sur terre, avait-il jeté un faible cri, que dans son sein Calliope le reçut, et dépouilla pour la première fois le long deuil d’Orphée : Enfant, dit-elle, consacré désormais aux Muses, et bientôt supérieur aux poëtes antiques, ce ne sont ni les fleuves, ni les bêtes féroces, ni les forêts gétiques, que tu remueras de ta lyre ; mais les Sept Collines, le Tibre du dieu Mars, les chevaliers et le sénat vêtu de la pourpre, tu les entraîneras par l’éloquence de ton chant. »

Le poëte alors rappelait ces premiers essais de Lucain qui lui valurent la jalousie de Néron, et ce poëme inachevé qui lui mérita la mort.

« Enhardi par le feu de la jeunesse, bientôt, s’écriait-il, tu diras les champs de Philippe blanchis sous les ossements italiques, et la bataille de Pharsale, ce coup de foudre entre les exploits du vainqueur divinisé, et Caton, grand par la sainte liberté, et Pompée, ce chef populaire. »

La Muse prolonge en vers élégants cette apothéose du poëte, et n’est arrêtée que par ses larmes, à la pensée du tyran qui l’a frappé. Mais alors même Stace, reprenant avec une verve plus simple, trouve de belles et dernières paroles vraiment dignes de la lyre.