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Page:Villemain - Essais sur le génie de Pindare, 1859.djvu/402

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ESSAIS SUR LE GÉNIE DE PINDARE

par une naissance humaine, à l’être faible et déchu qu’elle voulait sauver.

Nous ne discutons pas ici ces contrastes donnés par la foi même, ce chaos de grandeur et de misère. Mais comment ne pas voir avec surprise le magnifique idiome de Pindare et de Sophocle se pliant à ces nouveautés étranges pour lui, et les parant encore de sa grâce poétique ? Ainsi, dans des hymnes sans exemple, rêveurs et dogmatiques, pleins d’imagination et de foi, le christianisme était chanté par le solitaire, comme il était fixé par les conciles et consacré sur les autels.

Après le Père et le Fils, Grégoire de Nazianze célèbre l’Esprit-Saint, et en même temps leur triple essence avec l’enthousiasme d’un poëte et la précision d’un docteur.

« La raison éclairée[1], dit-il, remonte à l’Être qui n’a pas eu de commencement ; mais elle ne scinde pas la Divinité. Elle veut que tu aies un seul maître, et non plusieurs à adorer. De l’Unité sort la Triade, et de la Triade l’Unité ; non pas de la même manière que la source, le ruisseau, le fleuve, ne forment qu’une seule onde chassée en trois jets différents sur la terre ; non pas comme la flamme du bûcher s’en détache et revient s’y réunir ; non pas comme la parole s’élance de l’esprit, et pourtant y demeure ; non pas comme des eaux frappées par les traits du

  1. S. Greg. Nazianz. Oper. t. II, p. 216.