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Page:Villemain - Essais sur le génie de Pindare, 1859.djvu/419

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ET SUR LA POÉSIE LYRIQUE.

du patriarche de Constantinople. Moins inquiet, dans une moindre église, éloigné de la controverse et des intrigues de cour, il gardera plus librement le goût de ses premières études, comme il a conservé les tendresses domestiques de sa première union, et son espérance naïvement exprimée, d’en voir naître de nombreux enfants.

Et cependant telle était pour l’imagination et le cœur l’autorité puissante des mystères de l’Évangile : celui qui, d’abord et longtemps, avait chanté les solitudes pittoresques de la Cyrénaïque, appelée jadis par Pindare le jardin de Vénus, et les nuits lumineuses de ces beaux climats, où il étudiait les phénomènes célestes en disciple des astronomes d’Alexandrie, Synésius n’entretient plus sa lyre que des vérités sévères de la foi. Seulement deux choses se mêlent sans cesse à cette théologie, un souvenir, un regret de la poésie païenne, toujours présente, quoique abjurée, un spiritualisme néo-platonicien qui pénètre le dogme et l’enveloppe tout entier.

C’est donc, pour ainsi dire, une variante de la poésie chrétienne à sa naissance, un mysticisme plus abstrait et plus libre sans vouloir être moins orthodoxe. Et, ce qui peut étonner, le naturel et l’enthousiasme subsistent dans ce mélange. La ferveur naît, pour ainsi dire, du travail prolongé de la méditation ; et le coloris est donné par l’abstraction même, comme on a dû parfois de nos jours en faire la remarque sur plus d’un