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ESSAIS SUR LE GÉNIE DE PINDARE

tus de l’Église sortant des catacombes un chantre harmonieux et pur.

Né dans la province de Tarragone vers l’an 348 de notre ère, tour-à-tour avocat, juge, préfet, puis appelé par ses talents à Rome et à la cour de Théodose, Prudence, dans sa vie toute laïque, ne pouvait atteindre à l’autorité et à la gloire des grands évêques dont s’honorait alors l’Église. Il était au quatrième siècle ce qu’avait été Minutius Félix au second, un mondain néophyte servant de sa parole la foi de ses frères, et célébrant la Rome nouvelle avec la tradition littéraire d’un ancien Romain. Poëte lyrique, mais non pontife inspiré, Prudence décrit d’abord la vie chrétienne dans ses devoirs de chaque jour et dans ses plus glorieux souvenirs. Comme l’évêque de Ptolémaïs, sous l’impression du spectacle de la nature mis en rapport avec le cœur de l’homme, il marquait par des hymnes les principales heures et les divisions du temps.

Le charme de ces préludes était dans leur sainteté, dans le rappel de l’âme à elle-même, dans le contraste de cette pureté religieuse avec les vices du monde profane, et enfin dans les espérances de la vie spirituelle supérieure à tous les sentiments de l’existence ici-bas. Tel est, ce semble, cet hymne matinal composé sur un des mètres élégants d’Horace :

« Ô nuit, ténèbres[1], sombres vapeurs, confus et

  1. Prud. Oper. ; Hymn. matut.