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Page:Villemain - Essais sur le génie de Pindare, 1859.djvu/456

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ESSAIS SUR LE GÉNIE DE PINDARE

empreint cette fois d’un pathétique plus attendrissant que les larmes.

La poésie lyrique, cette fleur native de la vie humaine, tour à tour sauvage et cultivée, la poésie lyrique, couronne de la victoire et du cercueil, avait reparu, du jour où le rude guerrier de Limoux avait exhalé sa joie, aux approches du combat, plus doux à ses yeux qu’une journée de printemps, et bientôt après, avait répandu sa douleur, à la mort prématurée du jeune prince d’Angleterre. Le feu de la poésie éclatait là tout entier ; le génie de l’art avait été retrouvé par la passion.

Ailleurs, vers le même temps, sous un autre ciel, mais dans une langue analogue, un guerrier bien autrement célèbre et redoutable, l’héritier d’un des puissants monarques de la croisade, le petit-fils de Frédéric Barberousse, l’empereur Frédéric II, allait protéger la poésie par son exemple autant que par ses bienfaits. Maître à la fois de l’Allemagne, du royaume de Naples et de la Sicile, savant lui-même dans les langues anciennes et dans l’arabe, curieux d’Aristote comme d’Averroès, il fondait à Palerme une académie pour la langue vulgaire ; il y inscrivait et lui-même et ses deux fils, Enze et Mainfroy, tous deux faisant des vers, sans que le génie politique du dernier fût moins perfide et moins cruel.

Ainsi commençait la lumière dans le chaos du moyen âge ; ainsi l’esprit de Dieu, la science et la