Aller au contenu

Page:Villemain - Essais sur le génie de Pindare, 1859.djvu/459

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
451
ET SUR LA POÉSIE LYRIQUE.

L’art, du reste, a tué la passion ; et il semble que ces natures si vives, si guerrières, soient soumises à toutes les gênes d’une science technique et raffinée. C’est là, surtout, l’infériorité du moyen âge devant le monde antique : il raisonne trop, et le faux goût de la décadence a devancé pour lui l’éveil du génie.

Voici venir ce génie, cependant ; et, sans avoir secoué tout à fait la poussière du temps, il réunira bien des vertus poétiques : il aura l’accent du drame et de la satire, comme celui de la poésie lyrique et de l’enthousiasme. Il appellera Comédie son œuvre immense, mêlée, turbulente comme le moyen âge. Il aura, dans son langage habilement extrait de tous les dialectes vulgaires de l’Italie, l’énergie populaire et la sublimité, ou la douceur mystique ; il empruntera sans cesse à la riche nature dont il est entouré, au spectacle des champs, au souvenir de ses fuites à travers tous les lieux et parmi toutes les conditions humaines, à ses combats, à ses souffrances, bien des images de la vie réelle et des mœurs de son temps ; et il sera pourtant, à certaines heures de son inspiration, le plus idéal et le plus recueilli des poëtes religieux. Lui qui tenait dans ses mains la malédiction des prophètes et la lançait au gré de sa haine ou de sa justice, il trouvera les accents les plus purs qui jamais aient retenti sur la lyre, pour porter jusqu’à Dieu la prière et l’espérance humaines.

Mais c’est là, dans le voyage miraculeux du Dante,

29.