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Page:Villemain - Essais sur le génie de Pindare, 1859.djvu/474

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ESSAIS SUR LE GÉNIE DE PINDARE

de l’esprit dominent toujours celles de la matière. C’est là l’incomparable grandeur du poëte. Quels que soient les spectacles dont son imagination nous éblouit, c’est à la pensée pure qu’il emprunte son dernier coup de pinceau. Que sont, en effet, les images extérieures de l’empyrée, les rayons, les flammes, les étoiles, toute la magnificence des cieux ? beaucoup moins qu’un seul sentiment de l’âme élevée jusqu’à Dieu. Toutes les merveilles semées sur la route du poëte, dans son voyage surnaturel, s’effacent devant l’ascension de son âme, qui, regardant les yeux de Béatrix attirée elle-même par l’astre du jour, monte sous cette invincible puissance, et vérifie la parole de l’Écriture : L’amour est plus fort que la mort.

Dans cette Jérusalem céleste, qu’avaient décrite les prophètes et qu’une secte chrétienne, les millénaires, attendait de siècle en siècle sous les nuits lumineuses du désert, le poëte avait ainsi jeté la vie nouvelle de l’amour pur. Cette ardeur de l’âme pouvait-elle ne pas donner l’enthousiasme lyrique ? Le génie transporté par une vraie passion ne doit-il pas atteindre toutes les hauteurs de l’art ? Platon l’eût affirmé ; et sa Diotime, cette image de la sagesse et de l’amour, dont il a fait l’inspiratrice de Socrate, était moins divine que Béatrix.

L’écueil ne se rencontrera que dans la grandeur continue de la fiction, dans cette élévation tout idéale