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Page:Villemain - Essais sur le génie de Pindare, 1859.djvu/476

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ESSAIS SUR LE GÉNIE DE PINDARE

même qu’au matin, à travers de lourdes vapeurs, Mars vers le couchant reluit d’un rouge écarlate, au-dessus de l’Océan ainsi se leva, et puissé-je la voir encore ! une lumière qui courait sur la mer si vite que nul oiseau n’eût égalé son vol.

Ayant un peu détourné les yeux pour consulter mon guide, je la revis plus éclatante et plus grande. À chaque côté m’apparaissait je ne sais quoi de blanc ; et de là sortaient peu à peu d’autres couleurs. Mon maître ne dit rien, jusqu’au moment où ces premières blancheurs parurent des ailes. Alors, reconnaissant le messager, il s’écria : Tombe, tombe à genoux ; voici l’ange de Dieu. Croise les mains ; désormais tu rencontreras tel secours. Vois ; il dédaigne les instruments humains : il ne veut d’autre rame ni d’autres voiles que ses ailes, à travers de si lointains rivages ; vois comme il les tient droites vers le ciel, battant l’air de ses plumes immortelles, qui ne changent pas, comme les chevelures des hommes.

Après qu’il se fut davantage approché de nous, l’oiseau divin parut plus brillant ; et l’œil, n’en pouvant soutenir l’éclat, s’abaissait ébloui. L’ange aborda le rivage, sur une barque svelte et légère qui à peine effleurait l’onde. À la poupe se tenait le céleste nocher, pareil à un bienheureux ; et plus de cent âmes étaient assises dans la barque ; et toutes ensemble chantaient d’une seule voix : Israël, à sa sortie d’Égypte. »