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Page:Villemain - Essais sur le génie de Pindare, 1859.djvu/484

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ESSAIS SUR LE GÉNIE DE PINDARE

quelque signe de pitié, le courage s’armera contre la fureur ; et le combat sera court : car l’antique vigueur n’est pas morte encore dans les cœurs italiens. »

Je ne puis relire sans émotion cet ancien témoignage, qui rappelle des accents presque semblables échappés, de nos jours, dans une prose toute poétique, au cœur de Rossi[1] et à son espérance de ranimer le cadavre de la belle Italie, au moment où lui-même allait tomber sous le poignard d’un assassin.

Impuissante illusion ! l’Italie de Pétrarque n’était déjà plus capable de s’affranchir elle-même ; elle s’appuyait au joug de cette Germanie que Rome avait autrefois vaincue. Mais une gloire renaissait pour elle, dans son malheur, et la trompait sur sa propre faiblesse : c’était la gloire des arts, l’inspiration et la science sortant de l’Église et des tombeaux, l’éclat prochain d’un âge tout littéraire. Pétrarque servit noblement à cette œuvre d’élégance ingénieuse, bien plus que de grandeur virile et de force véritable. L’entendez-vous, dans son langage devenu lyrique, invoquer une croisade, en appelant à son aide la puissance de l’empereur d’Allemagne et le zèle des évêques de France ?

Il n’armera pas de nouveau l’Occident ; il ne suscitera pas un second âge héroïque de la chrétienté. Mais il prélude à la naissance du Tasse, et il marque sur la lyre ces modes brillants et gracieux dont l’Italie va

  1. Voy. l’éloquent éloge de Rossi, par M. Mignet.