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Page:Villemain - Essais sur le génie de Pindare, 1859.djvu/493

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ET SUR LA POÉSIE LYRIQUE.

du combat et parcouru l’avant-garde et les côtés de la flotte, debout sur un esquif, un crucifix à la main, exhortant du geste et de la voix tous les confédérés, dont il avait mêlé les pavillons, pour ne faire qu’un seul peuple ; puis, remonté à son bord, où l’entourait une élite de jeunes nobles castillans et de soldats sardes, après que les grands navires vénitiens eurent porté les premiers coups et fait une large trouée, il s’acharna lui-même à l’attaque du vaisseau amiral turc, et, par cette prise et la mort de l’amiral, hâta la victoire.

Comme il était arrivé jadis aux Romains, dans leurs premiers combats de mer contre Carthage, les galères des deux partis se heurtant et s’accrochant avec des crampons de fer, le combat était devenu souvent un duel de pied ferme et corps à corps, où les vieilles bandes d’Espagne, les Italiens et les Grecs vainquirent, après cinq heures de mêlée.

Le désastre des Ottomans fut immense, dans l’enceinte resserrée de ce détroit tout couvert de débris fumants et de cadavres. Cent trente galères turques tombèrent aux mains des vainqueurs ; un grand nombre se brisèrent au rivage, ou furent incendiées. On porta jusqu’à trente mille hommes le nombre des Turcs tués ou prisonniers ; cinq mille esclaves chrétiens furent délivrés des fers et de la rame : et leur cri de joie semble retentir encore, dans plus d’un éloquent souvenir de cet immortel Cervantès, qui combattait, soldat obscur alors, sur la flotte espagnole.