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Page:Villemain - Essais sur le génie de Pindare, 1859.djvu/516

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ESSAIS SUR LE GÉNIE DE PINDARE

licatesse naïve et poétique, sont connus, et relevés dans un travail où le paradoxe était corrigé par le savoir et l’esprit. Ainsi, de ce poëte laborieux enseveli sous un in-folio, il a survécu, par le choix du goût, quelques vers charmants, de même que le temps et le hasard avaient sauvé quelques parcelles de la couronne d’or de Simonide ou d’Alcée. Et, chose remarquable, bien que le langage et le rhythme de Ronsard offrent çà et là des beautés savantes, ce qui plaira le plus en lui, c’est quelque retour fortuit de langage expressif et simple. La Fontaine eût-il mieux dit que ces vers du poëte orgueilleux trébuché de si haut :

Quand le bœuf est, au soir, du labeur deslié,
Il met près de son joug le travail oublié,
Et dort sans aucun soin, jusqu’à tant que l’aurore
Le réveille, au matin, pour travailler encore ;
Mais nous, pauvres chétifs, soit de jour, soit de nuit,
Tousjours quelque tristesse épineuse nous suit.

Malgré les défauts du poëte, l’art même était trouvé : il ne s’agissait plus que de le rendre durable, et, pour ainsi dire, assuré. Ce fut la gloire, et ce doit être l’immortalité de Malherbe. Ce n’est pas assez de dire avec Boileau :

Par ce sage écrivain la langue réparée
N’offrit plus rien de rude à l’oreille épurée.

Malherbe attestait au plus haut degré ce qu’on a remarqué de la langue française : « qu’elle est riche en