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Page:Villemain - Essais sur le génie de Pindare, 1859.djvu/518

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ESSAIS SUR LE GÉNIE DE PINDARE

mêle encore au rayon naissant de la poésie ; et comme si, par une rencontre bien rare, le mouvement commun de la langue et des esprits, l’élan donné, à partir de Henri IV, au génie français, apportait plus à l’âme du poëte que le froid des années ne pouvait lui ôter, c’est vingt ans plus tard, et déjà tout vieux et tout chenu, que Malherbe enfantera, pour l’honneur de Louis XIII et de Richelieu, la belle ode.

Donc un nouveau labeur à tes armes s’apprête,

et la fin vraiment sublime et naïve de ce chant poétique. Désormais la poésie lyrique était possible en France.

Peut-être même, pour la force et la simplicité, pour la magnificence du nombre et le naturel du langage, avait-elle atteint déjà une perfection que notre plus grand siècle ne devait pas dépasser. Pour exprimer, en effet, l’orgueil et l’art du poëte antique, pour trouver dans nos langues modernes un écho de l’harmonie des Hellènes, je ne sais si notre poésie peut donner rien de préférable à ces vers du vieux Malherbe :

Apollon, à portes ouvertes,
Laisse indifféremment cueillir
Ces belles feuilles toujours vertes
Qui gardent les noms de vieillir :
Mais l’art d’en faire des couronnes
N’est pas su de toutes personnes ;
Et trois ou quatre seulement,
Au nombre desquels on me range,
Peuvent donner une louange
Qui demeure éternellement.