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Page:Villemain - Essais sur le génie de Pindare, 1859.djvu/577

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ET SUR LA POÉSIE LYRIQUE.

nous pas quelques regards à jeter sur le monde actuel et ce qu’il offre encore d’imagination élevée et d’enthousiasme, au delà du cercle d’or et de fer dont il semble de toutes parts s’environner ? N’y a-t-il plus rien de poétique désormais que les merveilles de l’industrie et les inventions du mécanisme habile ? N’avons-nous à contempler dans les arts que la masse et le nombre des ouvrages, achevés à la hâte comme si le temps devait toujours manquer aux fondateurs ? N’y a-t-il plus nulle part la voix légère d’Ariel, et son chant limpide et sonore qui monte vers les cieux ? Pouvons-nous oublier du moins que nous les avons entendus ? et ne devons-nous pas honorer d’un regret et chercher encore sur quelques lyres étrangères cette inspiration poétique dont notre patrie fut animée vingt ans, à l’écho du malheur et de la gloire, au bruit de la liberté légale, et parmi tous les progrès du droit public, du travail et de la richesse ?

Ce reflet glorieux de 1789 et de nos grandes guerres, ces spectacles d’illusion enthousiaste et d’ambition sans bornes, qu’avaient reçus de nous, au prix même de tant de défaites et de sacrifices, l’Allemagne et l’Angleterre, cet éclat qu’ont reproduit leurs poëtes, ne pouvaient être stériles pour les nôtres. La chute et les légendes héroïques de l’Empire ouvrirent une source nouvelle aux imaginations françaises ; et, sans partialité contemporaine, il faut, dans l’époque qui suivit, reconnaître un âge poétique. Tour