Aller au contenu

Page:Villemain - Essais sur le génie de Pindare, 1859.djvu/594

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
 Les corrections sont expliquées en page de discussion
586
ESSAIS SUR LE GÉNIE DE PINDARE

7 mai 1839. Sa mémoire, célébrée dans les journaux des deux Amériques, ne fut pas honorée de moins d’hommages dans l’Espagne, redevenue constitutionnelle à cette époque. Elle y trouvait, pour panégyriste et pour interprète de ce patriotisme espagnol qui mesure tant de degrés, depuis Mexico jusqu’à Cadix, un autre talent lyrique également né sous le ciel de Cuba, mais européen par le séjour autant que par l’étude.

Alors, en effet, brillait à Madrid une jeune femme dont la renommée ne s’est pas affaiblie avec la première séduction de la surprise et un autre attrait plus puissant encore et non moins passager. Quelques détails de sa vie diront comment se forma cette âme poétique.

Doña Gertrude Gomez de Avellaneda est une Espagnole de l’Orient américain. Comme Heredia, elle naquit à Cuba, en 1806, au Port-au-Prince, dont son père, Manuel Gomez, originaire de Séville, était préfet maritime. Sa mère était une fille du pays, mais de race espagnole. Élevée dans ce séjour colonial, sans école et sans théâtre, la jeune Gomez s’instruisit et s’inspira seule par la lecture de quelques poëtes espagnols et la vue de cet horizon du tropique, « le plus splendide pavillon, dit un poëte, que Dieu lui-même ait pu jeter sur les fêtes de son culte divin. » Dès l’enfance, elle fit des vers pour célébrer ce qu’elle voyait. Très-jeune, elle perdit son père. Lorsqu’elle n’avait encore que quatorze ou quinze ans, sa