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Page:Villemain - Essais sur le génie de Pindare, 1859.djvu/597

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ET SUR LA POÉSIE LYRIQUE.

religion. Le génie de don Luis de Léon et de sainte Thérèse a reparu sous le voile funèbre de Gomez d’Avellaneda.

Maintenant cette poésie, séparée de son ciel, de son idiome, de la voix qui en est, pour ainsi dire, l’instrument natal et sonore, gardera-t-elle le même charme et la même puissance ? Ne paraîtra-t-elle pas souvent, jusque dans son abondance native, une imitation de notre art moderne, et ne nous rendra-t-elle pas comme une image affaiblie de notre dernier âge poétique ? J’aime à le dire aujourd’hui : Lamartine, Victor Hugo, disputent aux cieux de la Havane, à la lumière de l’Andalousie, l’honneur d’avoir éveillé cette vive imagination et suscité une seconde gloire digne de la leur.

La belle ode de Napoléon à Sainte-Hélène, ce mélange d’apothéose et d’anathème, cette juste sentence portée par la poésie contre l’abus de la force et du génie, revit presque entière dans la traduction en strophes de forme inégale qu’en avait faite à vingt-deux ans la jeune Gomez ; et un des beaux chants de Victor Hugo, traduit de plus près encore et dans un mètre plus sévère, le chant intitulé le Poëte, rend à la langue espagnole avec naturel et passion ce que notre illustre compatriote lui avait pris de pompe et de splendeur.

Là ne se bornent pas les emprunts de cette muse étrangère que notre poésie nouvelle était allée chercher sous ces palmiers indigènes et dans les nuits