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Page:Villemain - Essais sur le génie de Pindare, 1859.djvu/607

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ET SUR LA POÉSIE LYRIQUE.

double pour lui le temps ou abrége l’espace, doit à la longue profiter au retour de l’âme sur elle-même ; car l’homme, à tout prendre, n’est grand que de ce qu’il a conçu par la pensée et senti par le cœur.

Aimons donc à le dire : dans la religion, dans la science, dans les arts, dans la vertu politique enfin, ce dernier but de la société civile, il reste encore, il se reproduira sans cesse un levain précieux d’enthousiasme.

N’est-il pas visible en effet, malgré les lenteurs et les doutes des puissances humaines, que l’époque de l’extension du christianisme sur de nouveaux points du monde s’approche à grands pas, qu’elle est de toutes parts appelée, secondée par la force des armes, du commerce et des arts ? Regardez d’abord votre Europe ; voyez comme, sur la limite orientale, la barbarie se resserre et s’efface, en attendant qu’elle disparaisse. Les crimes de palais, la politique sanguinaire, les massacres en masse, qui étaient encore il y a trente ans le droit commun de la Turquie, lui sont désormais interdits. Elle ne dure qu’à condition de paraître devenir un État civilisé analogue, dans ses usages nouveaux, à la pratique de ses hauts protecteurs. Les ravageurs de l’île de Scio, les massacreurs du clergé grec de 1820, protestaient naguère contre l’agression étrangère qui avait confondu dans le désastre de leur flotte les habitants d’une de leurs villes maritimes ; ils invoquaient le droit et l’humanité, au milieu de l’esclavage domes-