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Page:Villemain - Essais sur le génie de Pindare, 1859.djvu/615

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ET SUR LA POÉSIE LYRIQUE.

perd aucune des conditions de sa puissance. Quand la force tombe, quand le flambeau se déplace, quand une nation, usée de lassitude et de souffrance, ne sent plus palpiter en elle les grandes fibres de la vie sociale, un autre peuple a déjà recueilli son héritage. Quand un idiome a vieilli sur son sol natal, ou que, défiguré dans son passage sous un ciel nouveau, il a perdu l’instinct délicat de sa forme première, sa grâce ou son énergie ; qu’il n’est plus en rapport avec le monde troublé et nouveau dont il est entouré, il n’importe : l’éclair de l’esprit, l’émotion de l’âme se fait jour par toute voie laissée à l’intelligence ; et le génie de l’architecte brille encore dans l’imperfection des matériaux mutilés ou à peine dégrossis qu’il emploie.

Telle fut la grandeur, le caractère original de ces hymnes que la foi chrétienne, que la pitié, que l’espérance prodiguaient au milieu des misères du monde romain expirant ; telle était cette source de ferveur pure et sublime, cette Aréthuse chrétienne qui ne cessait point d’épandre quelques filets limpides sous les flots de la barbarie. Gardons-nous de croire qu’elle ait à rencontrer plus terrible épreuve, ni qu’elle puisse tarir jamais !

De ces temples nombreux que l’Amérique du Nord bâtit, sur toutes les limites du désert, au Dieu de la miséricorde et de la souffrance, s’élèvera sans fin cet hosanna que prédisait Milton, comme la dette éternelle de l’homme envers les cieux. De ces prêches que l’unité de ferveur, dans la liberté de croyance, multiplie