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Page:Villemain - Essais sur le génie de Pindare, 1859.djvu/78

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ESSAIS SUR LE GÉNIE DE PINDARE

tiques, il changeait les résolutions et apaisait ou enflammait les âmes.

Mais, malgré ce rapport dans les faits, la distance est trop grande entre les deux influences, comme entre les deux sociétés. D’une part, on a le langage de ce prophète illuminé de Dieu, que le ciseau de Michel-Ange nous représente avec des cornes de feu : d’une autre part, les premières expressions mêmes du poëte vous annoncent un messager du dieu Mercure, un adroit orateur pour l’intelligente et indocile Athènes.

Dans cette Athènes, cependant, la poésie lyrique devait aussi bientôt jeter sa flamme, quand l’invasion et la défaite des Perses auraient animé l’ardeur des matelots du Pirée et de Salamine, et quand le théâtre, nouvellement créé, serait devenu avec Eschyle la représentation et comme la musique militaire des triomphes de la patrie.

Mais, loin dans l’antiquité, avant ces merveilles de la muse attique, contemporaines et toutes voisines des grandeurs du génie dorien dans Thèbes et dans Syracuse, ne peut-on pas reconnaître, à travers les obscurités et les défigurements du langage, une forme de poésie enracinée dans le cœur d’un peuple, et toute inspirée de ses périls et de ses délivrances ? Demandons encore aux livres saints, même avant David, un exemple de cette poésie religieuse et populaire, animée des passions de l’Orient. Entendez-vous Débora, prophétesse et guerrière ?