Aller au contenu

Page:Villeneuve - Le Temps et la patience, tome 2.djvu/117

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
111
ET LA PATIENCE.

Je ne dis plus qu’un mot, poursuivit-elle en se levant ; le Trône où je suis sera le cercueil de la mere & de la fille, avant que cet infame y puisse monter : à ces mots elle se retira, outrée d’une douleur qu’elle ne pouvoit plus contenir.

Zerbeke, c’est le nom de son jeune favori, qui l’attendoit à son ordinaire à la porte au Conseil, prit sa robe & la suivit dans son appartement ; elle y fut à peine, que se jettant toute en larmes sur les carreaux dont son estrade étoit couverte : Que vais-je devenir, mon cher Zerbeke, lui dit-elle ? La rébellion de mes Sujets éclate enfin ; ils prétendent élever Mouba sur le Trône ; & peu contents de m’avoir dépouillée de toute mon autorité, on veut encore m’arracher le vain titre de Reine, que je porte avec si peu de puissance. Ah ! fatale & criminelle ambition, s’écria-t-elle, quels malheurs ne m’attires-tu pas ? quels ressorts n’ai-je pas fait mouvoir pour satisfaire ton injustice ? mais aussi quelle infortune égale la mienne ? J’ai dérobé la Couronne aux Princes d’Angole ; j’ai causé leur exil, & peut-être leur mort ; je me suis livrée à la perfidie d’un scélérat, qui, tournant aujourd’hui mes bontés contre moi-même, en fait des armes pour me combattre, & s’en sert pour me perdre.