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Page:Villeneuve - Le Temps et la patience, tome 2.djvu/84

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LE TEMPS

de vous précipiter ; mais je suis assez malheureuse de ne pouvoir me le cacher, & de connoître que j’en suis seule la cause, sans que vous joigniez à mes maux le tourment de me rendre témoin d’une fin si déplorable. Le foible retardement que je vous demande avec tant d’instance, ne sera pas long, poursuivit-elle ; ma foiblesse & ma douleur vous en sont de sûrs garants.

Loin que ce discours produisît l’effet que desiroit la Princesse d’Angole, il ne servit qu’à animer Benga : il vouloit, sans tarder, courir éveiller le monstre, se flattant qu’il pourroit ne lui pas donner le temps de se reconnoître, & qu’il lui abattroit la tête à l’instant. Mais l’Esclave effrayée de la témérité d’une telle entreprise, dont elle voyoit l’impossibilité, s’y opposa fortement.

Oubliez-vous, s’écria-t-elle, qu’il est nuit, & que vous feriez des efforts aussi inutiles que pernicieux, puisqu’il faut que le jour éclaire sa destruction, & qu’il meure dans le lieu où nous sommes ?

Ce n’étoit que le désespoir qu’inspiroit à Benga la menace de la mort prochaine de la Princesse, qui l’avoit porté à la pensée de faire cette proposition ; il en connut à l’instant l’extravagance, & se calma