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Page:Villiers de L’Isle-Adam - Isis, 1862.djvu/127

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veux-tu pas faire comme les enfants, puisque tu es jeune et que tu es belle ? »

Ses veilles se prolongeaient quelquefois jusqu’au matin et toujours dans ce profond mutisme, dans cette intensité d’abstraction que ne venait trahir nul signe extérieur, et qui, depuis deux années d’identité, était devenu quelque chose d’effrayant ; ses sommeils devaient être évidemment une continuation de fatigue. Jusqu’où cette femme avait-elle plongé ? Était-il possible d’admettre, vis-à-vis d’une pareille énergie, qu’elle rêvait au hasard en se laissant éblouir par tous les mirages de l’objectivité ? Non ! non ! la grande solitaire, à la pensée brève et robuste, devait savoir ce qu’elle faisait. L’immémorial mystère qui fait, selon nous, le fond du monde, ne pouvait pas avoir échappé à sa conscience ni à son esprit ; peut-être que, parvenue à sa hauteur, elle cherchait un point de départ plus satisfaisant que la Nécessité[1].

Un incident qui pouvait devenir très-grave et

  1. Ceci soit dit sous le critérium hégélien, et avec une réserve dont l’explication devra être donnée dans le second volume de cet ouvrage.