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Page:Villiers de L’Isle-Adam - Isis, 1862.djvu/134

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La pensée de Tullia Fabriana ne devait pas avoir bronché dans les abîmes ; il était clair que, pareille au plongeur de la ballade, elle rapportait la coupe d’or à quelque roi inconnu. — Maintenant, c’était passé !… La lutte était finie ; l’ange était vaincu. Les sueurs mortuaires de l’angoisse, la vaste épouvante du désespoir, la sublime extase de la vie éternelle, tout cela formait, au fond de son âme, un sombre amas de souvenirs. Elle était comme un voyageur qui revient des pays inconnus. Son front grave avait la beauté de la nuit : c’était la reine du vertige et des ténèbres. La terre, ses climats et ses races devaient lui apparaître comme sur une toile aux rapides et fantastiques visions. Peut-être avait-elle découvert, au sommet de quelque loi stupéfiante, le vivant panorama des formes du Devenir ; peut-être que l’abstraction, à force de splendeurs, avait pris pour elle les proportions de la suprême poésie.

En toute certitude, une pareille âme ne devait pas être dupe de son ombre, et si elle avait posé quelque point, si elle s’en était tenue à quelque chose, c’est qu’il l’avait fallu. Ce ne pouvait pas