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Page:Villiers de L’Isle-Adam - Isis, 1862.djvu/204

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Elle les regarda et reprit sa rêverie.

— Ô belle et sombre amie, je ne connaissais pas ton histoire, et cependant, lorsque j’entendis prononcer ton nom pour la première fois, je me souviens d’avoir tressailli, moi qui ne sais plus tressaillir. Mon âme était déjà révoltée d’être forcée de vivre dans ces siècles d’humiliation ! Dès ma jeunesse, en considérant l’humanité, je compris les larmes de Xercès et, comme les vieillards, je ne vivais déjà que du passé, ce spectacle ayant creusé dans mon cœur les rides que l’âge seul refusait à mon front. Mon âme n’est pas de ces temps amers ! Vous le savez, Esprits, vous qui êtes attentifs à ceux qui vous parlent sans étonnement, vous savez qu’aux récits de toute cette histoire il m’a semblé — plus d’une fois — que ma mémoire, abîmée tout à coup dans les domaines profonds du rêve, éprouvait d’inconcevables souvenirs.

Depuis cette heure, continua-t-elle après un silence, depuis cette heure où j’ai fixé mon avenir, je tiens compte, malgré moi, de la sourde hésitation de ma conscience, et j’essaie vainement de com-