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Page:Villiers de L’Isle-Adam - Isis, 1862.djvu/218

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et moi aussi j’ai bu l’eau du torrent ! Les vivants ont jeté leurs ombres sur celle qui parle toute seule dans les ténèbres. Comme vous, j’ai regardé doucement les souffrants et les faibles ; comme vous, Emmanuel, je fus tentée sur la montagne. Vous savez par quels actes et quels recueillements j’ai sanctifié, moi aussi, le jour du Sabbat ; vous savez si, comme vous, j’ai prévu toutes choses, autant qu’il m’a été possible, pour que tout fût accompli. »

Sa voix était comme un souffle guttural d’une limpide et harmonieuse égalité : elle mêlait plusieurs langages sans y faire attention. Elle parlait si bas qu’il eût été impossible de distinguer un mot à quelques pas du sphinx. Elle ne paraissait pas émue, seulement l’éclat de ses yeux s’était perdu en dedans jusqu’à rendre leur expression atone.

« — Ce n’était pas un homme, — un homme ayant cinq à six mille ans de croyances dans les veines et qui, se supposant penser seul, n’accepterait la Force que pour se distraire ?… — Inutile. Cela me fatiguerait de le faire massacrer dans les souter-