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Page:Virgile - Énéide, traduction Guerle, 1825, livres I-VI.djvu/145

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et serraient dans leurs bras les Lares paternels, qui ne pourront les garantir. À l’aspect de Priam, courbé sous l’armure jadis légère à sa jeunesse, « Ô funeste vertige ! malheureux époux ! dit Hécube, pourquoi ces armes impuissantes ? Où courez-vous, hélas ! Ce n’est point un pareil secours, ce n’est point un tel défenseur, que demande ce fatal moment. Non, quand il renaîtrait aujourd’hui, mon Hector lui-même ne nous sauverait pas. Acceptez ces lieux pour refuge : cet autel doit nous protéger tous, ou nous voir mourir tous ensemble. » À ces mots, elle entraîne l’auguste vieillard, et le fait asseoir auprès d’elle sous ces abris religieux.

Cependant échappé des mains de Pyrrhus, Polite, un des fils de Priam, fuyait à travers une grêle de flèches, à travers des flots d’ennemis, et se traînait, tout sanglant, le long des portiques déserts, le long des cours abandonnées. Pyrrhus le poursuit, l’œil étincelant, et la lance en arrêt : déjà son bras se lève, déjà son dard va le percer…. Mais enfin, près de toucher l’autel qu’entourent ses parens éperdus, l’infortuné tombe auprès d’eux ; et noyé dans son sang, il expire à leurs pieds. Alors Priam, sous la faux même de la mort, ne peut contenir sa juste colère ; elle éclate en ces mots : « Barbare ! applaudis-toi de ton infâme triomphe ! Ah ! s’il est au ciel des dieux justes, qui vengent la nature outragée, puissent-ils mesurer ta peine à ton crime, et payer ton forfait de son digne salaire ! As-tu bien pu, monstre, rendre mes yeux témoins du meurtre de mon fils, et souiller de cet affreux spectacle les regards d’un